vendredi 27 janvier 2017

Prévert l'irréductible

4e de couverture:Jacques Prévert c'est l'éclectisme forcené.
Des rimes aux scénarios, des chansons aux collages, il ne s'interdit rien, Prévert, il essaie.
Il croit aux télescopages, aux interférences, aux conjonctions, aux tentatives.
Il passe d'une discipline à l'autre avec une aisance confondante. Avant 1950, on le connaît plutôt comme scénariste, et quel scénariste - Arletty, Gabin, Morgan, toute la lyre. Mais quand Paroles explose (un million d'ouvrages vendus), c'est l'écrivain qui se retrouve à l'avant-scène. Avec un fil, un fil rouge : la liberté libertaire avec laquelle il ne transige jamais.
Hervé Hamon esquisse, de cet homme qu'il aime, du Prévert du Groupe Octobre et de Quai des brumes, un portrait sensible et documenté. En lisant son texte, nous sommes dans le Paris d'avant, Doisneau à sa droite et Brassaï à sa gauche. Ou inversement.


"C'est une chanson qui nous ressemble/ toi, tu m'aimais et je t'aimais/Nous vivions tous les deux ensembles/Moi qui t'aimais, toi qui m'aimais". (Les feuilles mortes)
"Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment d'un aussi grand amour" (Les enfants du paradis)
"Rappelle toi Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour là" (Barbara)
"-T'as de beaux yeux tu sais.
-Embrassez moi" (Quai des Brumes

Qui n'a jamais lu ou entendu ces phrases, sur un air de musique ou sur un écran de cinéma? Probablement tout le monde. Mais qui sait que ces phrases sont sorti du cerveau et du coeur d'une même personne: un certain Jacques Prévert.

Jacques Prévert est un nom que tout le monde connait et qui est souvent associé à l'école et à la poésie (tout enfant a récité du Prévert en classe) . Une personne sacralisée,devenue une icône.
Un grand monsieur qui nous a quitté il y a 40 ans (en avril 1977), et dont Hervé Hamon, tente de nous dresser un portrait plus juste dans ce petit livre, en le désacralisant un peu (il nous dit d'ailleurs dans des préliminaires que "Prévert, ce n'est pas, les bénédictions académiques, les hommages cinématographiques, ou un nom sur les enseignes des collèges". C'est avant tout un homme avec la liberté chevillée au corps, qui aimait les jeunes femmes et qui essayait tout (des poèmes aux chansons, des scénarios aux collages).

Dans une langue poétique et rythmée, qui chante presque à notre oreille, Hervé Hamon, grâce à des petites anecdotes, va nous montrer Le Prévert libertaire, en quatre chapitres:

dans un premier, on découvre Jacques, enfant, à 11 ans, qui se fait baptiser (c'est son grand père, "Auguste le sévère", qui oblige la famille à lui faire faire sa communion (cette anecdote pour nous montrer que Prévert était contre l'église, et contre beaucoup d'institutions).

dans un 2e, Hervé Hamon nous parle du Paris des années folles, où Jacques Prévert rencontre Yves Tanguy, Paul Grimault, Raymond Queneau, Appolinaire, Octave Mirbeau... et fait parti du groupe Octobre. On découvre alors le quartier de Montparnasse, mais surtout un Prévert bagarreur (il se disait d'ailleurs, en ce temps là, "Homme de main, plutôt qu'homme de lettres". Il commence à écrire des textes pour plusieurs journaux.

dans un 3e (mon préféré), c'est le scénariste qu'on découvre, et où je me suis fait cette réflexion: "au mauvais endroit, au mauvais moment", car beaucoup de ces films devenus cultes aujourd'hui  (comme "Le Jour se lève" (avec Gabin et Arletty) ou "Drôle de drame (avec Yves Simon et Louis Jouvet et la fameuse scène du "Bizarre, comme c'est bizarre") ont été des bides à leur sortie (trop anxiogène pour l'un ("Le jour se lève"), trop burlesque pour l'autre. Un 3e (chapitre) qui revient sur sa relation avec  Carné. Sa rencontre avec Joseph Kosma (surnommé "Io"). Voilà un chapitre fascinant qui nous montre l'envers du décor.

dans un 4e (et dernier), c'est le poète qui montre le bout de son nez et qui revient sur le succès (impensable, car "la poésie, ça ne se vend pas") du recueil de poèmes "Paroles".

En 4 petits chapitres, Hervé Hamon nous montre toute la complexité de Jacques Prévert, complexité dans le sens qu'il a de multiples facettes et qu'il ne pouvait être cantonné dans un seul genre. Il essayait tout, Prévert, et il aimait ça.

Moi aussi, j'ai aimé ce petit livre (trop petit peut être, j'aurai voulu en savoir plus):  l'auteur, a voulu, en racontant quatre moments de la vie foisonnante, en définitive, de Jacques Prévert, nous donner à voir un homme humain.

Au final, un joli petit livre que je vous encourage à lire, car la plume de l'auteur est des plus charmante et poétique. Hervé Hamon  vous embarque dans l'univers fascinant et quasi magique de Prévert et du Paris du début du XXe siècle. C'est foisonnant, captivant, palpitant. Une petite mise en bouche qui donne envie d'en savoir davantage sur ce sacré bonhomme qu'était Jacques Prévert.

 Hervé Hamon fait sortir Prévert de ce caveau poussiéreux que peut être, parfois,  le monde des Grands Hommes pour le rendre tout simplement humain...et c'est magnifique.

Merci aux Editions TohuBohu pour cette petite "mise en bouche".

Hervé Hamon: Prévert l'irréductible (Tentative d'un portrait), Editions TohuBohu, 141 pages, 2017







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire